Tipaw est allé à la rencontre de Marianne Slingerland, directrice et instructrice du centre Scale Dogs, qui forme des futurs chiens-guides pour personnes aveugles en région bruxelloise. Nous avons fait la connaissance de ses chiens et nous avons aussi beaucoup appris sur les personnes malvoyantes. Nous vous faisons partager ci-dessous cette interview que Marianne a eu la gentillesse de nous accorder.
Scale Dogs a été créée en 1990 par quelques membres du service club Bruxellois : Le Kiwanis Bruxelles Scale. L’idée de créer un centre de formation de chiens-guides leur est venue après avoir visité une école similaire à Limoges, créée il y a dix ans par un club Kiwanis français jumelé au leur.
Le nom Scale Dogs trouve son origine auprès du service club qui a créé le centre. Le mot « SCALE » est formé par les premières lettres des qualités exigées pour être membre Kiwanien, à savoir :
Après 20 ans, ces valeurs sont toujours d’application dans le travail de Scale Dogs.
Depuis 1990, Scale Dogs a remis une soixantaine de chiens-guides auprès de personnes porteuses d’un handicap visuel.
Les chiens sont sélectionnés suivant l’entente mutuelle avec la personne. Si le contact ne passe pas, il est inutile d’insister. Un grand nombre de demandes leur arrivent effectivement mais toutes ne donnent pas suite à l’attribution d’un chien d’assistance. Il y a aussi des personnes qui n’ont pas réellement besoin d’effectuer des trajets journaliers et qui, de ce fait, ne peuvent pas être considérées comme prioritaires. Les personnes qui ont déjà eu un chien sont également privilégiées par rapport aux autres.
Le chien d’assistance est certes un chien de travail mais il est important que le maître puisse aussi répondre à ses besoins de chien normal, c’est-à-dire lui permettre de se défouler et s’en occuper en dehors de ses heures de travail. On a souvent l’image de chiens qui travaillent toute la journée mais en réalité, les chiens ne travaillent qu’environ une heure par jour, principalement lors de déplacements vers le lieu de travail ou autre.
Il faut aussi tenir compte du caractère du chien. De sa vitesse de marche, s’il aime la routine ou au contraire s’il aime découvrir de nouvelles activités et ne sait pas tenir en place.
Un binôme doit se former sur base d’une relation de complicité et de confiance réciproque sans quoi il est impossible pour le chien d’aider son maître.
Les futurs chiens-guides sont tout d’abord placés en famille d’accueil. Ils y restent pour une période de plus ou moins un an et y sont déjà largement sociabilisés. Ils sont tous éduqués sur les mêmes bases, à savoir le passage 3x/mois par l’école pour y parfaire leur formation spécifique de chien-guide. Ensuite, ils s’y rendront toute la semaine et ne rentreront plus que les weekends dans leur famille d’accueil. L’éducation peut être encore affinée par la suite pour répondre à des besoins plus précis.
Les chiens sont issus de différents élevages. Certains élevages sont privilégiés mais ceux-ci ne peuvent répondre à l’entièreté de la demande car ils font souvent peu de portées. Certaines lignées font aussi de meilleurs chiens d’assistance. A l’heure actuelle, il n’existe pas d’élevage spécialisé pour les chiens d’assistance. Ce sont donc des chiens élevés avec les familles et qui ne sont pas drillés dès le début à des besoins spécifiques. Les chiots sont pris un à un et nous leur faisons faire des tests. Très souvent, les éleveurs ont déjà une idée du chien qui va correspondre. Après les tests, les avis sont confrontés afin d’étudier la complémentarité des observations qui ont été faites. Par exemple, le chiot le plus dominant de la portée peut se montrer intimidé par la venue d’étrangers et ne pas se comporter normalement. L’avis de l’éleveur est également très important parce qu’il connaît ses chiots et leur caractère. Malheureusement, trop souvent encore certains éleveurs laissent les adoptants choisir le chien sur base du critère esthétique…
Il arrive que des chiens de particuliers soient retenus chez Scale Dogs mais cela reste assez rare. En effet, il est indispensable que plusieurs tests de santé soient effectués sur les chiots. Cela implique qu’ils soient issus d’élevages de qualité afin d’éviter tous risques de dysfonctionnements ou de maladies qui viendraient entraver la formation ou la carrière du chien, qui est de plus relativement coûteuse (25.000 euros par chien et la moitié sont en général réformés). Un pédigrée n’est pas indispensable. Il s’agit souvent de chiens que les éleveurs avaient gardés pour la reproduction mais pour laquelle il manque un critère de la race (dents, testicules pas descendues, etc.). Dans ce cas, le chien est déjà bien sociabilisé même si toute son éducation reste encore à faire. Le plus important, c’est donc d’avoir un chien sociabilisé à la base.
Oui, cela arrive. Il existe 3 types d’allergies en fonction de leur origine : les squames, les poils et la salive de chien.
Les chiens-guides méritent du repos. Dans un premier temps, en ce qui concerne le chien réformé, le centre essaye de voir s’il ne peut pas servir d’autres causes telles que chien d’aide pour enfants autistes ou chien d’aide dans des maisons de repos. Ensuite, c’est vers la famille d’accueil que le centre se tourne.
Le chien à la retraite reste chez le maître si celui-ci sait s’en occuper. Il ne peut pas être question de le laisser tout seul toute la journée. S’il ne sait pas rester chez le maître, la famille d’accueil est contactée.
C’est important qu’ils puissent vivre paisiblement.
Un chien-guide doit être sociable et trouver des solutions par lui-même. Il ne doit pas être agressif envers les autres animaux ni envers les personnes. Il doit pouvoir “pardonner” facilement son maître. Par exemple, lorsque celui-ci se cogne contre un mur et ordonne d’avancer. Les chiens-guides qui conviennent le mieux sont des Labradors et des Golden Retriever, parfois des Bergers Blancs. Les Labradors sont moins sensibles et attachés à leur maître; ils passent donc plus facilement de leur famille d’accueil à un nouveau maître. Ce sont des chasseurs donc ils aiment le travail. Leur défaut est d’être parfois un peu trop sûrs d’eux et ainsi exposer les personnes malvoyantes à certains dangers. Par exemple, comme ils se croient très forts, ils pourraient décider de traverser la rue sans en estimer les dangers.
Les Golden Retriever sont bien aussi mais plus sensibles et plus affectés par les choses.
A l’origine, Scale Dogs utilisait des Bergers Allemands, mais malheureusement ceux-ci avaient pas mal de tares et de maladies qui les mettaient précocement à la retraite.
Beaucoup d’importance est également accordée au regard que portent les gens sur ces chiens. En effet, les gens se sentent souvent mal à l’aise en abordant les malvoyants. Le chien est un moyen d’entrer en contact. Le souci rencontré avec les Bergers Allemands, c’était la peur qu’ils inspiraient. Par conséquent, pour « l’image” et leurs qualités, les Labradors et les Golden Retriever sont privilégiés. Cela dit, les Labradors peuvent aussi souffrir de certaines tares. Cela les expose donc également à des problèmes de santé et donc de réformation.
Il faut savoir qu’un chien est également réformé quand il ne correspond plus aux critères d’obéissance ou de caractère.
Le Labrador est apprécié pour son tempérament sociable, obéissant et malléable dans le cadre de la formation
Pour les familles d’accueil, c’est le départ de leur chien qu’ils ont éduqué et chéri. Après, ils sont surtout contents d’avoir pu aider.
Pour les malvoyants qui ont un chien de remplacement, il est difficile de ne pas le comparer à leur ancien chien en qui ils avaient mis toute leur confiance.
Pour les nouveaux maîtres, ils doivent s’habituer à marcher avec un chien, le commander et bien entendu, lui faire confiance.
Actuellement, il existe de nouvelles technologies telles que le GPS vocal qui leur rend plus aisé le déplacement de manière autonome dans des endroits où ils n’allaient pas avant.
Niveau éducation, c’est de l’éducation positive au travers de nouvelles méthodes. Il est important que le chien veuille avant tout faire plaisir à son maître.
Le chien-guide leur donne une plus grande autonomie. Ils peuvent marcher plus vite avec un chien qui contourne l’obstacle qu’avec une canne qui heurte les obstacles. Le chien-guide répond à des commandes et peut mener le malvoyant vers un passage pour piétons par exemple.
Cela les rend aussi plus confiants car ils détournent leur attention vers le chien et pensent alors moins à leur handicap. Par ailleurs, les gens autour d’eux interagissent aussi plus positivement en s’adressant au chien. Cela aide à créer le contact. Les malvoyants ne sont pas des handicapés moteurs et peuvent très bien se débrouiller. Mais au préalable, il faut qu’ils soient habitués à marcher avec une canne et qu’ils acceptent leur handicap car le chien ne résoudra pas non plus tous les problèmes. Ceux qui ont perdu la vue depuis peu n’acceptent pas directement leur handicap. Ces derniers doivent pouvoir s’orienter parfaitement car si le chien contourne un obstacle et qu’ils ne savent pas s’orienter, ils vont blâmer le chien alors que le chien aura bien agi. Il faut qu’ils aient conscience que le chien va les aider mais aucunement résoudre leurs insécurités ou leurs complexes.
Scale Dogs est une ASBL et s’autofinance. Scale Dogs a également une école du chiot qui l’aide à couvrir les frais. Il y a aussi des éducateurs bénévoles, des familles bénévoles et certains sponsors qui participent à ce financement. Il arrive aussi que des malvoyants ayant reçu un chien (le chien-guide d’une valeur de 25.000 euros leur est offert) fassent un don ou une action permettant de récolter des fonds. Par exemple, une personne qui va prochainement recevoir un chien et qui est musicien organisera un concert caritatif au profit de Scale Dogs. Chacun peut aider: en proposant des services d’éducateur, en devenant famille d’accueil ou encore, en faisant un don à l’ASBL.